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N°28 • Fort de Mécrin

Campagne principale de construction : XIVe-XVe- XVIe- XXe. (Restauration fondation du Patrimoine)
Adresse : Route de Mécrin, St Jean-des-Mauvrets 49320 Les Garennes-sur-Loire

Dénomination de l’édifice : Fort de Mécrin
Titre courant : Mécrin

Ad 49 3 P 4 / 303 / 4 – Saint-Jean-des-Mauvrets – A 3 – plan napoléonien – 1808 –

Historique

Le fief de Mécrin est très ancien et prend ses racines au Moyen Age, il y a près de mille ans. Un Haimericus de Mécrin est cité en 1192 dans une vieille charte de l’abbaye de Saint Aubin. Un Pierre de Mechrin est témoin dans une charte de Guy de Thouars, époux de Constance de Penthièvre, duchesse de Bretagne, signée à Angers en 1211. Mécrin relevait féodalement de la châtellenie de Gilbourg, Gillebourg ou Girebouze dont la forteresse se dressait autrefois dans les coteaux du Layon à Faye d’Anjou, et qui fut détruite pendant les guerres de religion à la fin du 16e siècle.

La première mention de la forteresse de Mécrin date de mai 1433 dans une charte de dame Malard, épouse de Jean Chaperon de la Chaperonnière, qui donne au curé de la paroisse de Saint Jean des Mauvrets une place dans la haute cour et une autre dans la basse-cour de la forteresse de Mécrin. Ce document (1) est signé de la main d’Auvergnais Chaperon, chevalier, son fils. La rue Chaperonnière à Angers derrière la cathédrale témoigne de cette famille Chaperon, d’ancienne chevalerie, mes ancêtres. Jean Chaperon de la Chaperonnière était un personnage très en vue dans l’entourage de Louis II d’Anjou dont il était chambellan et conseiller. Il signa entre autres l’acte de naissance du roi René et fut exécuteur testamentaire du duc d’Anjou à sa mort en 1417 (2).

Mécrin fut transmis à Auvergnais Chaperon, chevalier, peu après son mariage en 1422 avec Anne Valori, issue d’une antique maison florentine, alliée mais aussi rivale des Médicis (Barthélémy Valori, maitre de l’hôtel de la duchesse Yolande d’Anjou avait été nommé capitaine de la ville et château d’Angers en 1417). En 1432, un an à peine après la mort de Jeanne d’Arc sur le bûcher, Auvergnais demanda au roi Charles VII l’autorisation de faire fortifier son hébergement de Mécrin pour protéger sa famille, les gens à son service et ses fermiers, des brigandages et épidémies qui ravageaient la région pendant cette période très chaotique des guerres de cent ans avec l’Angleterre. Il est probable que l’ancienne forteresse était délabrée par le temps et devait faire l’objet de travaux de restauration et de renforcement des défenses. Charles VII lui octroya ce droit en 1433 par lettres patentes, droit confirmé par les lettres patentes de la duchesse Yolande d’Anjou la même année, puis enfin par celles du bon roi René en 1436 (3), alors qu’il était prisonnier du duc de Bourgogne. Ces lettres patentes décrivent les éléments défensifs : courtines et chemins de ronde, échauguettes et poternes, pont-levis, machicoulis, tours, haute-cour, basse-cour, créneaux, barbacanes, …

Auvergnais Chaperon, seigneur de Mécrin, a vécu sa vie durant dans l’entourage des ducs d’Anjou.

Louis II d’Anjou

Page de Louis II d’Anjou puis son valet tranchant, chevalier, conseiller de la duchesse Yolande d’Anjou, puis du roi René, chambellan de Charles VII, capitaine du château de Mirebeau, il combattit en Italie avec Louis III d’Anjou pour son royaume de Naples et en France contre les Anglais (cité au combat de Vivoin dans le Jouvencel de Jean de Bueil). Il fut missionné auprès du pape par Louis III d’Anjou, envoyé de Charles VII auprès du roi d’Angleterre pour certaines missions diplomatiques. Son nom apparait dans plusieurs affaires importantes de ce temps. Il est mort tragiquement en 1446, des suites d’une blessure à l’œil causée par un écli de bois reçu au travers de la visière de son heaume en rompant sa lance au fameux tournoi du Pas du Perron du roi René à Saumur. Il existe un très beau document aux archives départementales dans lequel son petit-fils Pierre Chaperon réalise le vœu d’Auvergnais inscrit dans son testament de fonder une chapellenie dans l’église paroissiale de Saint Jean des Mauvrets qui devint l’enfeu des seigneurs de Mécrin (cette vieille église a été démantelée au 19ème siècle). Anne Valori resta veuve de nombreuses années. Fait plutôt rare, en témoignage d’affection pour Auvergnais, le 17 juillet 1471, le roi René confère à Anne Valori le droit de haute, moyenne et basse justice sur ses fiefs à Mirebeau, où elle s’était retirée, Mécrin étant la demeure de son fils ainé Bertrand, écuyer.

Au 17e siècle, Jacquette, la dernière Chaperon de la branche aînée, petite, petite fillette d’Auvergnais Chaperon et d’Anne Valori, fille unique de François Chaperon apporta la seigneurie et ses terres à son époux Guillaume Legras. De ces temps il existe plusieurs chartes et vieux papiers de transaction financière ou d’actes familiaux, notamment deux très beaux actes d’aveux de la seigneurie de Mécrin, l’un signé de François Chaperon en 1505 au puissant Pierre de Rohan, maréchal de Gié

Pierre de Rohan

 

et l’autre de Guillaume Legras et dame Jacquette Chaperon en 1541 (4.1) (4.2) à François de Rohan ambassadeur auprès du pape à Rome en 1539, puis à Londres, lieutenant au gouvernement de Bretagne. Ces actes témoignaient de l’étendue du domaine de Mécrin et de ses métairies à l’époque.

Les Legras possédaient alors le château de la Fresnaye à Saint Aubin de Luigné dans la vallée du Layon et dès lors portèrent le titre de seigneurs de la Fresnaye et de Mécrin. Les Legras délaissèrent quelque peu Mécrin et ne l’utilisèrent plus que dans son côté forteresse, y logeant sa soldatesque. Les Legras, pendant les guerres de religion qui ravagèrent la région, prirent parti pour la Ligue, comme les Brissac, comme les frères Saint-Offange à Rochefort. Mécrin servit alors de fort pour héberger une garnison de ligueurs, qui écumaient la région contre les royaux du roi Henri IV et contre la garnison envoyée par la ville d’Angers, qui tenait pour le roi, au manoir de la Gachetière à Saint Jean des Mauvrets.

Manoir de la Gachetière (30) – Photo CEPAJE

Plusieurs assauts sont conduits contre Mécrin. Donadieu de Puycharic, capitaine du château d’Angers, échoua à prendre le petit fort en janvier 1590. Le gouverneur d’Anjou, comte de La Rochepot, quelques mois plus tard réussit à prendre le fort avec l’aide d’un canon transporté par barge sur la Loire depuis Tours. Mécrin fut alors mis à sac. Henri IV donna l’ordre à ses troupes de démanteler plusieurs bastions, nids de ligueurs, qui leur avaient résisté. La maison forte de Mécrin était sur la liste du décret royal. Mécrin est en partie démantelé. Les signes de noblesse féodale sont mis à bas : la tour d’escalier du donjon, le châtelet d’entrée et sa poterne, le pigeonnier sont détruits, le donjon décapité et plusieurs étages démolis (…).

La paix revenue avec l’Edit de Nantes, les Legras firent juste quelques travaux de réparation et consolidation, transformèrent le fort en ferme à rapport et construisirent la longère 17e s’appuyant sur la courtine ouest pour abriter bêtes et foins et grenier à blé. A l’occasion d’une succession, les Legras vendirent Mécrin vers la fin du 17e siècle. Le destin du petit fort, devenu une ferme, est dès lors lié aux propriétaires successifs du château de Saint Jean des Mauvrets après Jean-François Lecorvaisier. Les propriétaires successifs à partir de la fin du 17e siècle se désintéressèrent du lieu, devenu une ferme habitée par des métayers avec ses bâtiments d’exploitation pour faire valoir les terres et ne firent aucun des travaux de restauration, d’embellissement ou de transformation dont bénéficièrent la plupart des demeures seigneuriales de l’époque. Les outrages du temps et les ravages des guerres de religion en cette fin du 16e siècle ont meurtri et défiguré Mécrin mais ses vieux murs souvent mal aimés, ses courtines avec leur chemin de ronde ont traversé les âges et se dressent encore, fièrement entourés de leurs douves en eau, comme un écrin du passé paré d’un charme particulier.

Le château de Saint Jean et son domaine dont Mécrin passa à la famille Pasqueraye du Rouzay sur plusieurs générations jusqu’à Louise Pasqueraye du Rouzay en 1890, épouse du comte de Terves, député, puis à la comtesse d’Ollonne leur fille qui transmit château et terres à sa petite-fille la comtesse de Carcaradec, née Anne de Dampierre d’Ollonne. Lorsque le dernier métayer de Mécrin prit sa retraite dans une maison qu’il s’était fait construire dans un pré avoisinant, Madame la comtesse de Carcaradec vendit Mécrin avec les prés alentours à la famille hollandaise Koch à la fin des années 1970. Karine et Pieter entreprirent la restauration du donjon sur les conseils de leur ami Volker, passionné comme eux de vieilles pierres et d’histoire. Ils consolidèrent l’ensemble et le mirent aux normes de l’époque : les photographies légendées en pages suivantes donnent une bonne idée des travaux de restauration des Koch entrepris dans les années 1976 à 1978 (5). Ces différentes vues comparées à celles d’aujourd’hui permettent de mesurer les efforts de restauration et d’embellissement du logis et des jardins, étagés sur près d’un demi-siècle par les Koch puis nous-mêmes, pour en faire un petit coin de paradis.

 

Isabelle et moi avons acquis Mécrin en 1995 auprès des Koch après une série de péripéties romanesques, certainement guidés par la providence et avons consacré, depuis, beaucoup d’efforts pour patiemment restaurer, avec l’aide de la Fondation du Patrimoine, étape après étape, ces vieux murs et ce vieux fief familial en mémoire d’Auvergnais Chaperon et Anne Valori, mes ancêtres directs, tout en l’égayant d’un parc arboré et en le parant de centaines de rosiers. C’est aujourd’hui un petit havre de paix familial plein de charme. Mécrin a plus de six cents ans et est redevenu Chaperon après une bien longue éclipse.

Arnaud et Isabelle Chaperon juin 2024

Pour ceux qui veulent approfondir davantage : référence livre Histoire des Chaperon d’Anjou et du fief de Mécrin à Saint Jean-des-Mauvrets à l’occasion du 600e anniversaire du mariage d’Auvergnais Chaperon, seigneur de Mécrin et d’Anne Valori 1422-2022 par Arnaud Chaperon.

Annexes

(1) Donation de Thomasse Mallarde, dame de Mescrin et du Bois-Davy, épouse de Jean Chaperon de la Chaperonnière, au prieur Régnart de Saint Jean des Mauvrets en 1433

 

(2) Testament en latin de Louis II d’Anjou daté du 27 avril 1417

Archives Nationales – Titres de la Maison d’Anjou

(3) Lettre du Roi René à Auvergnais

1436, le 5 octobre au château de Talent près de Dijon où le roi René est retenu en otage par le duc de Bourgogne Philippe le Bon :

Le roi René confirme à Auvergnais le droit de poursuivre les travaux de fortification de Mécrin. Cette fois-ci le document ne s’est pas égaré. Une copie existe aux archives de la mairie d’Angers. Voir ci-dessous la lettre patente et la traduction du vieux français. René d’Anjou était encore très jeune. Il avait vingt-sept ans et venait d’être adoubé duc d’Anjou à la mort de son frère Louis III d’Anjou (1403-1434). Le document est contresigné par le secrétaire Charles de Castillon, qui joua un rôle important auprès du Roi René, et fut un des chevaliers de l’ordre du Croissant. Le titre original portait encore en 1851 sur le revers du vélin les armes du Roi René peintes.

(4.1) Acte d’aveu de Mécrin de François Chaperon en 1505 à Pierre de Rohan

Extrait du chartrier de Mécrin aux archives du Maine-et-Loire

(4.2) Aveu de Guillaume Legras, époux de Jacquette Chaperon pour son fief de Mécrin à François de Rohan en 1541

(5) La restauration de Mécrin ans les années 1975 par les Koch

 

Mécrin aujourd’hui